Imprévus au Jardin - Eté 2001

Résidence d'Artiste. Domaine de la Pièce

Saint Gervais sur Mare

 

 

 

Nous nous amusons des eaux vives qui jamais ne reviennent à l’identique. Nous nous effrayons des tumultes et des déferlements qui inscrivent nos vies au registre des fétus de paille. Mais nous les voyons sans vrais regards. Car nous ne regardons bien en réalité qu’une seule chose : les profondeurs immobiles, les eaux noires et sombres qui nous sont promises , rivières amniotiques et sans retour. La nature est ainsi. Elle ne propose que des désordres apparents ou des ordres effarants. Christine Foulché refuse cet état de nature, ou plus précisément, elle ne peut ni ne veut s’en tenir à de telles propositions qui ne mènent qu’à la confusion des sentiments. Tout son travail en conséquence, est tendu par la recherche d’échappées belles qui puisse nous permettre d’y aller voir autrement. Les apparences, les surfaces sont sa matière parce qu’elles exigent que l’on en perce les mystères. Qu’y a t’il dessous ? est au demeurant la seule question qui vaille. L’art en est né.

 

Alors elle pose trois hublots de cuivre et de verre dans le vieux bassin de la Pièce, comme un traqueur émérite pose ses pièges et le sage ses interrogations.. Etouffée, masquée d’herbes, l’eau qui les enserre les rendra nécessaires. Plus de diversion possible, plus de confusion. Nous ne pouvons et ne devons que les approcher, tourner autour de leurs énigmes, prendre du recul. Ils laissent voir des bribes de vérité et quelques mensonges.  Ciel désolé, feuillages engloutis, œil de scaphandrier.. Ou peut être rien. Rien que nous-mêmes, nos propres secrets flottant derrière des miroirs sans tain.

 

Nous bougeons autour d’eux mais bougent-ils eux même. Avec de l’attention, des visites renouvelées, on percevra de sensibles dérives. Oui, il y a du bougé, du glissement, du coulé mais dans quel « dedans » celui des eaux noires, celui de nos regards celui des corps lumineux et des ombres ? Il faut à cela une réponse mais le souci de l’élaborer ne doit pas une fois encore nous faire payer le prix des apparences. Moins que le dedans, le dessous de ce mouvement, c’est peut être à sa nature même qu’il faut s ‘attacher, à cette belle lenteur qu’un ancrage invisible organise et qui imperceptiblement laboure l’opacité des eaux, livrant à nos mémoires, mille secrets, mille histoires. Une vie. L’art est une fenêtre ronde. Infatigable.

 

 

 

Daniel BÉGARD ; juin 2001

 

 

 

Installation 3 hublots cuivre et verre . Diamètre 100cm